20 septembre 2024

 Ceci est mon dernier article.  J'entame mon dernier acte et désire le vivre dans l'intimité de ma famille.  Je vais prendre soin de moi et d'eux.  C'est le principal inconvénient de programmer ma mort, je vois les gens que j'aime pleurer de mon vivant. Je veux les consoler, je me sens responsable du chagrin que j'apporte.  Ma mort serait si légère sans la compassion que j'ai pour mes proches.

Je ne quitte pas ce monde le coeur gros.  Malgré toutes les horreurs que l'on voit aux nouvelles, je trouve que l'humanité avance, doucement, mais elle avance.  Je prends pour preuve le fait que l'on permette à une personne ordinaire comme moi de mourir dans la dignité.  Le système n'est pas parfait, il n'en est qu'à son début, mais il prouve que la compassion existe encore et qu'elle s'organise comme elle peut.  Bravo! aux médecins, infirmières et travailleuses sociales qui participent à cet avancement.

Parlant d'avancement, j'ai demandé à ce qu'on avance mon AMM (aide médicale à mourir).  La douleur augmentant, j'augmente les doses de méthadone et je passe alors mes journées à dormir.  Dès que je me pose quelque part, que je m'assois, je cogne des clous et je ronfle.  Pour de vrai, je ronfle en plein jour et même parfois quand je ne dors même pas.  L'espace disponible pour faire passer l'air dans ma gorge devient de plus en plus restreint.  De plus, je dois dormir assise sinon j'étouffe.  Mon lit et mes oreillers sont une sorte de jeu de construction. La prochaine étape sera de me trouver un lit vertical comme dans La Petite Vie. 

Je ne vous dis pas quelle date nous avons choisie avec le médecin.  Mais j'ai encore un peu de temps, en fait, je donne du temps à ma fille, elle m'en a demandé, indirectement.  Elle a pris des vacances pour pouvoir passer au travers de tout ça.  Elle a pleuré toute la nuit quand je lui ai annoncé que je voulais devancer ma fin.  C'est devenu plus concret pour elle.

Pour moi, c'est long d'attendre.  Dormir, écouter des séries à la télé et m'endormir, écouter de la musique et m'endormir, c'est pas tout à fait vivre pleinement tout ça.  Au début de la semaine j'ai réussi à faire une aquarelle et un tricot.  Mais aujourd'hui, je n'y arrive plus.  Mercredi, fatiguée de dormir (oui, ça se peut) j'ai décidé de bouger.  J'ai enfilé des vêtements longs et sorti ma hache de camping.  Je suis allée bucher dans le bois.  Je me suis attaquée aux arbres morts et les ai mis à terre, cinq en tout.  Je les ai ébranchés puis coupés en deux pour patenter une sorte de barrage.  Lors des fortes pluies de l'été dernier, un ruisseau se formait entre notre terrain et celui du voisin.  Une partie de l'eau glissait dans notre entrée.  Afin d'éviter cela, j'ai pensé fabriquer un petit barrage de branches et de troncs afin que toute l'eau se rende bien jusqu'au fossé au bord de la route.  Le résultat est très joli, mais reste à voir si ça fonctionne.  Pour être plus étanche, il faudrait ajouter de la terre.  Mais je crois que ça pourrait être suffisant comme ça, vu que le niveau de l'eau n'était que de un ou deux cm.  Résultat de cette matinée de travail, j'ai dormi tout l'après-midi.

J'ai fait tout ce que j'avais à faire et l'ai fait de mon mieux, maintenant, je vais me reposer. Voilà qu'en plus, je ne sais plus quoi dire. Alors, bye tout le monde.


                                        Aimer les saisons

                                        la nature et les humains

                                        -lasse, j'embrasse la mort







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