14 septembre 2024

Le temps approche et je me prépare.  Il est assez étrange de préparer sa mort et tout ce qui l'entoure.  Je fais des listes, réfléchis à ce qui ferait plaisir aux membres de ma famille et à mes amies.  J'ai l'impression de préparer un party auquel je ne vais pas participer.

Je veux mourir à la maison en comité restreint avec ma fille et ma petite-fille. Ma chambre n'est pas grande il y aura aussi le chum de ma fille, le médecin et une infirmière ou une travailleuse sociale.  Il ne reste aucune place.  Je voudrais des fleurs coupées posées sur la tête de mon lit.  Sans eau, elles faneront vite.  Il faudra s'en occuper rapidement pour les mettre dans l'eau par la suite. J'aimerais au moment final écouter ma toune préférée: Les Cactus de Jacques Dutronc.  Partir dans la joie avec les paroles ironiques de cette chanson me réjouit d'avance. 

Le programme de don de corps de l'Université McGill viendra récupérer ma dépouille.  Ce sont les seuls à le faire autour de Montréal.  Nous avons demandé à ma petite-fille si elle voulait être présente, elle a répondu oui mais elle ne veut pas voir la piqûre.  Elle montera dans sa chambre à ce moment-là.  Le programme de don de corps se réserve une longue période pour retenir ma dépouille chez eux.  Quand ils en auront terminé, ils procéderont à la crémation et rendront les cendres à ma famille lors d'une petite cérémonie intime qui aura lieu à Montréal.

Par la suite, mes cendres seront enterrées à Québec près de mon père parti bien trop tôt.  Il reste quatre places pour des urnes. Il y aura une salle pour recevoir parents et amis.  J'ai demandé à une amie qui écrit bien de dire un mot sur moi devant tout le monde.  Elle est comédienne et elle a l'habitude de prendre la parole.  Mes soeurs pourront le faire aussi si elles ne sont pas trop tristes.  J'ai une tante religieuse et j'aimerais bien qu'elle anime une prière pour les croyants de ma famille.  J'ai choisi la musique que j'aimerais faire écouter aux gens rassemblés lors de cette journée de mise en terre.  Un disque de koto japonais: Lullaby for the moon, un second de Karen Young: L'Oratorio et enfin l'Heptade d'Harmonium.  Des musiques que je connais par coeur, que j'ai écoutés et écoutés et qui ont du sens pour moi et qui devraient rejoindre tous le monde.

J'ai mis de côté des aquarelles à donner à ceux qui seront présents.  Elles devront être étalées sur une table afin que chacun puisse les voir sans les manipuler.  Faudrait pas que le papier soit plein de traces de doigts.  Chacun repartira avec son enveloppe contenant une aquarelle en souvenir.  Comme j'en ai une boîte pleine ça va dégager de la place.  C'est comme préparer une fête d'enfants ou chacun repart avec un cadeau.  

Si en retour vous voulez en apporter un pour moi, faites un don pour la recherche sur le cancer.  C'est vraiment une vacherie cette maladie.  Le plus on la connaîtra, le plus on pourra s'en défaire.  J'ai réussi grâce à la médecine à m'en tirer une première fois.  C'est déjà extraordinaire et je suis heureuse d'avoir vécu vingt-deux ans supplémentaires.  J'ai eu toutes ces années pour me préparer à ce qui m'arrive aujourd'hui, et croyez-moi, je suis prête.  J'ai même hâte de partir pour cet ultime voyage, ma valise est vide mais mon coeur est plein.  Plein de vous qui m'aimez et que j'aime ou ai aimés.


                                        Aujourd'hui encore

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                                        -C'est loin six semaines




 




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