11 juin 2012

L'escalier

Les restes d'un repas
laisser dans mon escalier
quartier sans poubelles

J'habite Ste-Marie Centre-Sud,  un endroit pauvre autrefois appelé le Faubourg à M'lasse.  On est en train de détruire le dernier silo de mélasse sur le bord du fleuve.  Un mini parc se trouve juste à côté.  J'y vais souvent pour voir le courant descendre et le trafic traverser le pont Jacques-Cartier.  J'ai du mal à m'adapter à ce nouveau quartier.  Ça fait pourtant deux ans que j'y suis.  L'épicière chinoise me reconnait mais si je ne lui dit pas bonjour elle ne le fait pas.  L'adaptation doit être encore plus difficile pour elle que pour moi alors je continue à l'apprivoiser.  Au IGA, seul le petit commis à qui j'ai donné deux dollars une fois pour qu'il aille me chercher mes sacs à l'accueil semble me reconnaitre.  Il espère surement une autre pièce.  Il y a tant de monde et tout change si vite.  La boucherie polonaise a été reprise par les Trois Gaulois, ils vendent beaucoup plus cher et ont moins de choix.  Dans mon voisinage, j'ai quitté une famille de bougons portugais pour une autre de québécois.  Je n'ai pas gagné au change car en plus je comprends ce qu'ils se disent.  C'est navrant.  Il semble pourtant y avoir une volonté d'améliorer l'environnement.  L'Éco-quartier travaille très fort au niveau des ruelles vertes et je suis responsable d'une compostière installée grâce à leurs soins tout près de chez moi.  Je dois souvent y aller avec un sac vert pour ramasser les cochonneries qui traînent autour.  Quelquefois, la compostière elle-même est recouverte de détritus.  Une fois j'ai vue un jeune homme jeter ses restes de repas par la fenêtre de son auto.  Je les ais ramassé et les lui ai rendu à la lumière rouge.  Il s'est gentiment excusé et il est sorti les mettre dans la poubelle du Tim Hortons, la seule qu'il y ait dans le coin.  Si j'en crois cette expérience, ce ne serait que de la paresse crasse et non un manque d'éducation.  Peut-être doublé par le : pas vue, pas pris.  J'ai l'impression de me transformer en mamy grincheuse.  Celle qui veut éduquer tous le monde et qui a toujours quelque chose à redire sur la manière de faire les choses.  Je déteste les chialeuses, et je suis en train d'en devenir une.

C'est peut-être juste un peu de fatigue, je ne peux pas ramasser tous le monde.  J'ai eut bien assez de ma famille et la j'ai mon chum qui est pas mal traîneux.  Je travaille fort dans une poissonnerie, je dois entre autre tenir l'endroit très propre.  Je tiens le guichet d'un théâtre les fins de semaine et je travaille sur un projet d'entreprise avec une amie.  Entre temps, je fais même de la figuration.  Je suis donc très occupée et pourtant je n'arrive pas à voir le dessus côté financier.  Ce sont des petits boulots à petits salaires.  Je fais tout ça afin de me garder du temps de création.  Mais finalement, il ne m'en reste pas plus qu'avant et j'ai moins d'argent.  Je ne regrette pas d'avoir quitté mon emploi en design textile,  l'ambiance était méprisante et cela nuit plus que tout à la création.  J'ai tout de même réussi à faire trois fanzines de bandes dessinées, des dizaines de belles aquarelles, à me présenter à la SCA (même si on m'a refusé) à placer mes petites aquarelles dans une galerie (même s'ils n'en ont pas vendu) à faire des affiches de théâtres, des illustrations pour un site web et des tas d'autres illustrations personnelles que personne ne m'a acheté.  Je travaille fort à me faire une clientèle et j'ai eut beaucoup de réponses sympathiques de graphistes disant aimer mon style et qu'ils vont me rappeler quand ils en auront besoin.  J'attends toujours.

L'illustration est un métier décourageant.  Il y a beaucoup de compétition et peu d'argent.  J'ai fait plusieurs illustrations gratuitement pour des livres de poésie.  C'est beau, ça fait des choses à montrer dans mon portfolio, mais ça ne paye pas le loyer.  Tout augmente sauf les prix pour une illustration qui n'ont pas augmenté depuis 30 ans.  Voilà pourquoi j'ai aménagé dans un quartier pauvre.

Bref, les temps sont durs.  J'imagine que c'est la même chose pour tous le monde.  Alors je vais cessez de me plaindre et reprendre mon pinceau.  Je veux faire un beau portrait de mon chum, qu'il pourra mettre sur sa prochaine pochette de disque.  C'est le plaisir que je me donne: créer. 

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