22 juin 2024

 J'adore confectionner des bouquets de fleurs.  Ce matin je suis sortie à l'aube pour faire le tour du jardin avec mes ciseaux chinois. Ce sont des ciseaux solides qui permettent de mettre toute la main dans les poignées, et donc, de garder les doigts libres pour saisir ce qu'on a à saisir.  (C'est amusant, je viens d'écrire deux a de suite et ça marche!)  Le risque quand on rentre des fleurs, c'est de rentrer également des insectes et autres bestioles.  

                                                  Trois fois ce matin

                                                  écraser une araignée

                                                  -au diable le bouddhisme


Ce haïku est considéré comme un senryu, car il ne possède aucun mot le reliant à une saison.  Les senryus ont la particularité de parler des humains et de leurs travers.  Ils sont souvent humoristiques ou satiriques, ils peuvent même être politiques.  Mais comme je suis d'un naturel moqueur, et que j'aime bien rire de moi et ce ce que je vois, voici ce que ça donne:


                                                            Tchou!  Elle éternue

                                                            pile dans son livre de chimie

                                                            -petite allergie


Ça, je l'avais vu dans le métro.  Je ne sais pas vraiment ce que contenait le livre de cette jeune fille, alors j'ai inventé le reste.  Habituellement mon imagination déborde de partout, mais hier je ne filais pas trop.  Je ne pouvais que tricoter, c'est simple, répétitif et ça a un effet calmant sur moi.  La douleur me rendait amorphe.  Je refuse de prendre de la morphine parce que ça me rend amorphe...  Merde!  c'est le chat qui court après sa queue.  Lundi je rappellerai mon infirmière en soins palliatifs.  

Une nouvelle douleur à fait son apparition, j'ai mal à mon bouton, l'endroit où le tube de gastrostomie s'insère dans mon estomac.  Les médecins doivent me le changer le 2 juillet.  J'espère qu'il tiendra jusque là.  En décembre, j'ai dû me rendre à l'urgence car le tube m'était tombé dans les mains.  Je suis supposée être sur une liste de roulement pour qu'on me le change au 6 mois, mais il semble que l'information ne se rende pas.  J'ai dû faire plusieurs téléphones avant d'avoir ce rendez-vous.

Ces moments douloureux me vieillissent prématurément.  J'ai 64 ans et j'ai l'air d'en avoir 84.  Je me déplace en me tenant le ventre et je crache toute la journée.  Quand j'étais jeune, je détestait ces vieux fumeurs de tabac du pays qui crachaient partout et pour qui on installait des crachoirs près du poêle (des spitounes).  Je les trouvais dégoutants, le coeur me levait.  Maintenant c'est à mon tour d'être dégoutante, au moins je ne crache pas par terre, j'ai toujours deux mouchoirs sur moi.  Le pire, c'est que je n'ai jamais fumé. 

Ça me fait penser à un vieux bonhomme de nos voisins quand on habitait à la campagne.  Nous étions ma soeur et moi allé l'aider à ramasser ses patates.  Il marchait courbé en deux et crachait toute les deux minutes.  Je me tenais le plus loin possible de peur de me trouver dans sa trajectoire de tir.  Habituellement, il ne nous donnait pas un sou pour notre travail.  Mais ce jour-là, il s'est essuyé les mains sur son over-all et à hésité à mettre la main dans sa poche.  Comme je venais de verser ma récolte dans son seau (il prononçait si-ô), il s'est adressé à moi en disant:"Met ta main dans ma poche (prononcez pôôche).  J'ai reculé, dégoutée et un peu effrayée.  Ma frangine, sans peurs et sans reproches,  avait tout de suite plongé sa petite main pleine de terre dans la poche du vieux monsieur pour en ressortir  trois bonbons non enveloppés et maintenant plein de terre.  Elle m'a tendu sa main, mais je n'en ai pas voulu.  Gentille elle a tendue sa main au vieux, qui a pris un bonbon puis lui a fait signe qu'elle pouvait garder les deux autres. La récompense est allée à l'innocence et non à la conscience.  Et c'est très bien ainsi.


                                                  Marchette sur le bras

                                                  elle descend et puis remonte

                                                  chercher la grand-mère




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