17 août 2024

Ma frangine a bien du mal avec ce qui m'arrive.  Elle n'arrête pas de pleurer et a donc de la difficulté à me parler.  Elle fait l'effort depuis peu de m'appeler une fois par semaine pour discuter, se remémorer notre enfance. Elle m'a posé des questions sur l'écriture du haïku et m'a fait parvenir son premier texte.  Le voici: 

Des larmes couleur novembre

coulent sur ma joue

Ma toute première amie


On voit tout de suite qu'elle a étudié en littérature.  Elle crée en utilisant des figures de style.  Entre autres ici, l'oxymore, car elle a juxtaposé deux mots qui ne vont pas ensemble: couleur et novembre.  Pourtant ces deux mots en disent beaucoup plus que si elle avait écrit couleur d'automne.  Ce n'est pas aussi triste. 

Je suis l'aînée de la famille et ma soeur et moi avons été très proche lorsque nous étions petites.  Elle a été pour moi également ma première amie puisqu'elle me suit d'un an à peine.

Elle m'avait demandé les principales caractéristiques d'un haïku et j'ai commencé par le 5-7-5, trois lignes respectivement de 5, 7 et 5 syllabes.  Elle avait complètement oublié ce détail.  Je me suis permis de réécrire son tercet en respectant cette règle de base et cela donne:

Elles coulent sur ma joue

ces larmes couleur de novembre

-ma première amie


J'ai gardé l'oxymore, il me plaît et je suis certaine qu'il plaît à ma soeur aussi.  Elle qui est plus habituée à écrire de la poésie comme en France et ignore tout du Japon.  Si on retire cette figure de style ignorée des japonais car dans le haîku on exprime les choses comme elles sont, sans les enjoliver et sans les juger.  Pas de déni, il faut regarder la réalité en face, c'est souvent plus simple qu'on ne le croit:

Ces larmes sur ma joue

en pensant à ton départ

-ma première amie


Elle avait bien compris le sens de la césure et je l'ai gardée telle quelle dans la troisième ligne.  C'est extrèmement touchant.  Je dis toujours, dans la famille c'est ma frangine l'écrivaine.


Puisque je parle de ma frangine je vais vous parler aussi de son fils qui se trouve au Yukon.  Grand amateur de ski libre, il grimpe des montagnes à pied ou avec des peaux de phoques sous ses skis pour pouvoir descendre des montagnes uniques où peu de personnes sont allées.  Pour financer ces expéditions, qu'il n'exécute pas seul, je vous rassure, il conduit un truck sur des pistes éloignées afin d'assurer le ravitaillement des quelques habitants du coin.  Étant moi même friande de ski, je comprends tout à fait son désir de neiges vierges.  Ma soeur a le vertige et sa sensibilité fait en sorte qu'elle est toujours inquiète pour son fils pourtant très prudent.  Il nous envoie quelquefois des photos à couper le souffle, qui m'inspirent des aquarelles et me font voyager avec lui.  Je pense à lui et lui souhaite bonne route et bonne neige.


Mon neveu voyage

jusqu'à l'autre bout du pays

-je reste dans mon lit








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